Fribourg, intra et extra muros, décembre 2022. Une chaussure rouge dans un pré. « Elle gisait dans l’herbe, à quelques pas d’un chemin montant qui s’ouvrait sur la droite de la route et qui aboutissait, deux cents mètres plus haut, à une grande maison qu’on apercevait parmi les arbres, au milieu d’un vaste parc. […] Intrigué, il [le professeur Ducret] se demandait comment cette chaussure avait pu se perdre, et toute seule, dans un endroit aussi isolé. […] « Il faudra que je parle de ma trouvaille à mon ami l’inspecteur Gachet ! » […] ».
Alexandre Gachet, inspecteur aux portes de la retraite. Un homme à l’âme et au cœur écharpés par plusieurs événements, l’un indiciblement douloureux, lié à la fin tragique de sa fille Julie décédée d’une overdose le 9 décembre 2000, et l’autre professionnel, généré par une affaire non résolue, celle de la disparition le soir du 14 mai 2005 de Marie Gervais, âgée de dix-huit ans. « Ce soir-là, elle avait été invitée à fêter l’anniversaire de Jessica, une camarade de classe. La soirée se passait à la villa des parents de la jeune fille, dans le quartier de Torry. […] Marie était arrivée vers huit heures, elle avait retrouvé une vingtaine de camarades de classe, parmi lesquels, Estelle Montillon, sa meilleure amie. […] À un moment de la soirée, certains disaient dix heures, d’autres plutôt dix heures et demie, on avait constaté que Marie n’était plus là, ce qui avait étonné tout le monde, car elle n’avait dit au revoir à personne […]. Par la suite, on ne l’avait pas revue. […] Le lendemain, le dimanche matin, le patron avait tiré Gachet de son congé et l’avait chargé de l’enquête […] Au bout d’une année, aucune piste sérieuse ne s’était imposée, aucun suspect n’avait pu être identifié, aucun mobile vraisemblable retenu ».
Dix-sept années s’écoulent, pas un indice, rien… mais la découverte de cette chaussure pourrait bien relancer l’enquête… Toutefois, le temps presse, sa retraite se dessine à l’horizon et comme Hercule Poirot, qui ne disposait que de la durée d’un voyage en train dans « Le Crime de l’Orient-Express », Alexandre Gachet n’a que douze jours pour tenir la promesse qu’il avait faite à la mère de Marie, celle de retrouver sa fille.
À travers son roman, l’auteur dessine une fresque, plutôt sombre de la société, avec ses dérives, ses turpitudes et ses errances humaines, indépendamment de toute considération sur l’origine sociale de ses protagonistes. La misère intérieure n’épargne personne, la rédemption non plus. Le descriptif des composantes familiales est remarquable par sa justesse, le mode de fonctionnement dévolu à chacun des protagonistes s’imbrique parfaitement avec celui des autres, qu’il s’agisse du notaire Maître Gremion ou des membres des familles Montillon ou Borgougnoux et ce, avec une profonde connaissance de la nature humaine : « […] N’oublie pas ce que nous ont appris les tragédies antiques : c’est au sein de la famille, dans les liens du sang, que se trament les envies et les rancœurs les plus féroces, les pires haines et les crimes les plus atroces. Crois-moi, mon cher, rien de tel que la famille pour faire l’expérience des mauvais penchants de l’espèce humaine ! ».
« La Chaussure rouge » est une histoire policière captivante et rondement menée, construite avec un soin, une précision et un sens de l’intrigue tels que le lecteur n’a qu’une envie, celle de tourner la page suivante.
Valérie DEBIEUX (2024)
(Éditions de l'Aire, juin 2024, 381 pages)
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