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Photo du rédacteurValérie DEBIEUX

"Oiseau de hasard", Alexandre Voisard


À bientôt 94 ans, Alexandre Voisard est aujourd’hui l’un des plus grands poètes vivants de Suisse romande, qui n’a rien à envier aux poètes Cendrars, Chessex, Jaccottet et bien d’autres encore. « Affublé tour à tour d’épithètes réductrices telles que « poète politique », « poète de l’amour » ou « poète de la nature », il les récuse toutes même s’il est fier d’avoir été de ces « poètes de la libération » du Jura. Il affirme parfois également avoir été « le premier poète écologiste après saint François d’Assise ». Poète donc avant toute chose (Liberté à l’aube ; La Claire Voyante ; Les Rescapés ; Toutes les vies vécues ; Le Dire et le Faire ; Une enfance de fond en comble), il est aussi un conteur subtil et ironique (Louve ; Un train peut en cacher un autre ; L’Année des treize lunes ; Maîtres et valets entre deux orages). Depuis 1990, il siège parmi les trente membres de l’Académie Mallarmé, à Paris. La parution de « L’Intégrale » d’Alexandre Voisard, en huit volumes, sous la direction d’André Wyss, a paru au printemps 2008 et le poète a reçu le Prix Édouard-Rod la même année ».

 

« Oiseau de hasard, Alexandre Voisard » ? C’est ainsi que l’a surnommé un colonel de l’armée suisse. Sobriquet que le poète a retenu comme titre de son dernier récit dans lequel il narre les « trois vies » de son grand-père fantôme, Jacques Eugène Louis dit Louis. Ce grand-père, personne n’en parlait dans sa famille : « Quant à mon père, je ne l’ai jamais entendu parler du sien lorsqu’il narrait quelque épisode de son enfance. Et il y aurait eu sans doute suffisamment de matière à récit puisque papa avait dix-huit ans à la mort de son géniteur ». 

 

Louis, le « grand-père des oubliettes » est avant tout un turlupin « vif-argent », qui aime s’amuser dans les estaminets de Fontenais et jouer du cornet à pistons : « Les notes, […] ça lui entre comme les hirondelles dans leur nid… ». Tout comme son frère aîné, il deviendra horloger mais sera très vite happé par un drame à l’âge de vingt ans : la perte de sa première épouse, Marie, enceinte, morte accidentellement six mois après leurs noces. Déboussolé, Louis prend la fuite en France voisine, à Montbéliard, puis à Belfort, et finit par s’engager dans la Légion étrangère, en Algérie, non loin de Tlemcen : « L’exil, désormais, c’est l’errance et bientôt le souci de la survie tant qu’on n’a pas le cran d’aller se jeter au Doubs. Et la survie passe par les rares prodigalités de la saison, en maraude des premières cerises et dans l’attente des framboises et des fraises des bois dont le carmin commence à éclairer les orées. L’errance vous pousse au bout de vous-même, non seulement pour garder quelques forces en vous alimentant comme un feux en hiver picorant au fumier ».

 

Alexandre Voisard a mis quatre ans pour écrire cet ouvrage peu ordinaire, et cela se comprend aisément : pour construire l’existence imaginée de son grand-père, il n’a eu à sa disposition qu’un livret militaire, quelques anecdotes cueillies çà et là, et quelques informations obtenues auprès des services de l’État civil. Pour le reste, tout n’est que le fruit de son imagination. Coïncidence amusante, le poète semble avoir été turbulent dès son enfance et fut même un saute-frontière en temps de guerre et, tout comme son aïeul, le poète dessine. Beaucoup de tendresse émane de cet ouvrage, une belle marque de respect de la part d’un petit-fils envers son grand-père.

 

Selon ses propos, l’écriture de ce livre s’est heurtée à la difficulté de placer le récit dans un cadre réaliste emprunt de vérité et d’intimité. Le coucher sur papier, sous liberté surveillée, ne fut guère aisé. Pari réussi, le poète a donné vie à son grand-père.

Merci « Monsieur Buvard » alias Monsieur Voisard. Vous avez « frisé » la poésie pour le plus grand bonheur de vos lecteurs et lectrices !



Valérie DEBIEUX


« Oiseau de hasard :

Les trois vies de Jacques Louis dit Louis »,

Alexandre Voisard,

(Bernard Campiche, 2013, 203 pages)

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