« Doucement le provisoire devient définitif. »
~Emmanuel Bove
« Facundo est le nom que m’a légué un de mes ancêtres qui voulait émigrer en Argentine. […] Je pense que mon ancêtre savait déjà au fond de lui qu’il n’arriverait jamais en Argentine. Il a cependant décidé de laisser le nom en question comme un bon présage à ses enfants et petits-enfants. […] Mon père, cependant, a voulu être fidèle à l’ancêtre commun : à l’état civil, il m’a enregistré sous le nom de Facundo.
J’ai découvert, au fil des ans, que Facundo signifie « celui qui parle bien ». Et, pour rendre la politesse à ceux qui m’ont précédé, j’ai tout de suite opté pour une petite trahison irrespectueuse : au lieu de me mesurer à la parole, j’écris. Je fais cela depuis toujours. »
~ Gianfranco Brevetto
Au crépuscule de sa vie, Facundo, un philologue solitaire, se lance dans l’écriture d’un essai philosophique sur la notion du « provisoire ». Isolé dans son modeste appartement, il se consacre corps et âme à cette réflexion, s’appuyant sur un simple dictionnaire d’étymologie. Mais son environnement devient peu à peu une source d’interruptions absurdes et surréalistes.
L’administratrice de l’immeuble, une femme acariâtre et soupçonneuse, décide de lui rendre la vie difficile. Convaincue qu’il entretient une relation intime avec V., sa mystérieuse voisine du dessus, elle se met en tête de lui créer des ennuis. Facundo, plongé dans ses pensées philosophiques, se retrouve malgré lui au cœur d’un imbroglio kafkaïen.
Les accusations sans fondement de l’administratrice et les rumeurs qui circulent parmi les habitants de l’immeuble commencent à affecter Facundo. Ses nuits blanches, autrefois consacrées à l’élaboration de son essai, deviennent des batailles contre des événements de plus en plus étranges et déconcertants. Des apparitions surréalistes, des bruits inexplicables et des rencontres fortuites perturbent sa concentration.
L’absurde s’invite dans sa vie quotidienne, brouillant les frontières entre réalité et imagination. Les péripéties se multiplient, chaque nouvelle accusation et chaque incident renforçant le climat de suspicion et d’hostilité. Facundo, déterminé à achever son travail, doit naviguer entre les méandres de son propre esprit et les machinations de l’administratrice.
Finalement, ce chaos influence son écriture et laisse son exploration philosophique du « provisoire » se mêler aux éléments surréalistes de son existence. Le texte qu’il produit devient une œuvre hybride, reflet de son esprit troublé et de son environnement oppressant. Dans cette narration où l’absurde règne en maître, Facundo trouve une forme de révolte et de libération, défiant à la fois les règles de l’immeuble et les conventions de la pensée.
Gianfranco Brevetto nous invite à repenser notre compréhension de la réalité et de l’existence ; il nous plonge, à travers une exploration profonde et réaliste des vies ordinaires - marquées par la solitude, l’isolement et une quête incessante de sens dans un monde indifférent – dans une réflexion poignante sur la condition humaine, ancrée dans une observation minutieuse et empathique des réalités psychologiques et sociales de ses personnages.
Valérie DEBIEUX
(CN Editore, édition de langue italienne, mai 2024, 148 pages)
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