« Qui est Albert Jacquard ? », cette question, l’auteur se la pose au début de son ouvrage. Prenant, à l’aune de sa réflexion, le fameux mot de Socrate « Connais-toi toi-même », Albert Jacquard écrit :
« Avant de tenter un effort de compréhension de l’univers qui m’entoure, il est certes de bonne stratégie de commencer par un exercice de lucidité sur ma propre personne. […] C’est désormais à moi d’oser rechercher en toute sincérité : qui suis-je ? qu’ai-je fait de moi ? […] Dans ce magma, comment distinguer ce qui a réellement constitué ma jeunesse de ce qui n’est qu’affabulations imaginées, à propos de cette période, par l’homme d’aujourd’hui ».
Albert Jacquard signe une biographie mêlant introspection et concision. Témoignage d’un parcours de vie peu ordinaire. Comme toute existence, la sienne a connu son lot d’imprévus et de rebondissements :
« Le placard de l’INED s’ouvrait sur Stanford. C’était le plus beau cadeau que le ministre pouvait m’avoir fait en m’éloignant de lui. […] Quand je suis arrivé à Stanford, dans le service de génétique de l’école de médecine dirigé par le prix Nobel Joshua Lederberg, […] ils avaient appris que le bureau du recensement […] avait, pour des raisons de confidentialité, interdit l’utilisation des statistiques sur lesquelles je devais travailler. […] “Que vais-je faire ?” ai-je demandé à mes différents interlocuteurs. “Dois-je immédiatement rentrer en France ?”. “Inventez vous-même plutôt une recherche” fut la réponse. […] J’ai développé et présenté aux stanfordiens la pensée de Gustave Malécot, très peu connue en France et à peine plus des chercheurs anglo-saxons ».
Le drame de son existence, un accident de voiture. Albert Jacquard a neuf ans, il perd son frère et ses grands-parents. Il perd son identité, il faut reconstruire son visage. « Je vis avec un masque. Pas le masque de fer, mais un masque de peau ». De nombreuses années plus tard, la maladie n’a pas oublié ses proches, une méningite foudroyante tue sa sœur. Autre élément important de sa vie, la religion. Elle l’a marqué à jamais.
Aujourd’hui encore un sentiment de révolte l’anime : « Mon enfance a été téléguidée et j’en veux au système du catholicisme qui m’a contraint à être un menteur. […] Ste-Geneviève […] était une très bonne école pour la formation scolaire, […] c’est aussi une formidable école de mensonge : on y était encouragé à faire semblant. […] Mon souvenir est de n’avoir à aucun moment été à l’aise, tranquille dans une foi établie comme celle, me semblait-il, de mes camarades. […] Cela n’a pas peu contribué à m’éloigner de la foi et de l’appartenance à une Église dont je désavouais l’hypocrisie ».
Toute son existence, Albert Jacquard a essayé de combattre les préjugés. Il invite tout un chacun à réagir face à l’imminente nécessité de modifier nos valeurs et nos comportements. Cet ouvrage convie le lecteur à la réflexion sur la dignité de l’Homme et il dépeint, avec grâce et élégance, les comportements à suivre pour envisager un avenir probe et humain.
Valérie DEBIEUX (2012)
(Stock, avril 2012, 112 pages)
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