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Photo du rédacteurValérie DEBIEUX

"Lever de rideau sur Edward Hopper", Karin Müller

Dernière mise à jour : 3 juin

« Il n’est pas difficile de peindre une scène ou un motif. Ce qui est difficile, c’est d’exprimer une pensée par la peinture. La pensée est fluide, mais ce que vous appliquez sur la toile est concret, et cette résistance tend à diriger la pensée ». - Edward Hopper


Octobre 2012. Le coup d’envoi est donné au Grand Palais de Paris et c’est le photographe Ferrante Ferranti qui a eu carte blanche pour monter la nouvelle exposition sur Edward Hopper. Des amis de Josephine et Edward Hopper (Bryan et Barbara O’Doherty) ont décrit cette exposition comme « la plus belle et la plus éloquente sur Edward Hopper, qu’ils n’aient jamais vue ». Bryan, critique d’art et ami de l’artiste, est également venu à Paris pour y présenter son film Hopper’s silence.

Les silences de Hopper. Justement. Karin Müller, biographe, en fait état dans son ouvrage : « La peinture d’Edward Hopper est un huit clos sartrien », ou encore « Il conservera toujours une profonde défiance envers les relations humaines, même son épouse, Jo, en souffrira. Avare d’explications auprès des critiques d’art, il demeure le peintre du silence et de l’ambiguïté ». Enfant, il parlait peu : « Je regarde, je scrute, j’examine. Mes parents me trouvent secret parce que je parle peu. J’observe les hommes, les femmes, les animaux, je ne recherche pas la compagnie des enfants de mon âge. Ni celle des adultes. Je me construis solitaire ». Au fil de la lecture, on apprend même que Hopper « flirte avec la misanthropie ».

Edward Hopper a très tôt été attiré par la langue française ainsi que par la bibliothèque de son père et, à propos de littérature, l’une des phrases de Dostoïevski qui l’interpellera à jamais sera : « La beauté est une énigme, et c’est à travers la peinture qu’il va essayer de la résoudre. Hopper est né dans une famille qui aimait les arts. Fort heureusement pour lui. Très tôt, on lui achète tout le matériel nécessaire afin d’assouvir sa passion : « J’ai la passion de la mer et des bateaux. J’aime me promener le long des chantiers navals, regarder la construction des yachts de course. Je peux rester à écouter des heures le fracas des vagues sur les rochers, à contempler et à dessiner l’horizon, l’écume, la danse des barques, le vent qui s’engouffre dans les voiles. J’inquiète ma famille. Je suis tellement différent des autres adolescents qui passent leur temps à jouer au ballon, aller à la pêche, courir, chahuter ».

Rédigée à la première personne, la biographie de Karin Müller est un « petit bijou » ; en la parcourant, le lecteur a l’impression que c’est un entretien qui a été accordé à Edward Hopper en personne, comme si elle s’était effacée et lui avait donné la parole, comme s’il s’était confessé à elle et ça c’est fort ! Tour à tour, il nous parle de son enfance, de sa vie d’artiste, de son entrée à l’école des beaux-arts de New-York, de son départ pour Paris, de sa disette financière, de son premier tableau vendu, de ses impressions très fortes que lui a laissées la France, de son amour pour les toiles de Manet, de son faible pour celles de Degas, et de ses préférences en général. Tout est écrit avec finesse et cette biographie va à l’essentiel, elle fait preuve d’une concision percutante où rien n’est laissé au hasard et, à mesure que la lecture avance, Karin Müller réussit ce tour de force formidable, elle vient de « peindre » la toile de l’histoire d’Edward Hopper. Bel hommage rendu à cet artiste extraordinaire et resté très moderne : « Je peins ce que je vois et non ce qu’il plaît aux autres de voir ».



Valérie DEBIEUX (2012)


(Nouvelle édition sous le titre: "Edward Hopper : exprimer une pensée par la peinture", Michel de Maule, février 2015, 76 pages)



"Edward & Jo Hopper, the violence of silence" (Documentaire): https://vimeo.com/505590917


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