« Saisir la vie dans ce qu’elle a de fuyant et d’inoubliable, de ridicule et de tragique, d’égoïste et de collectif : les scénarios d’Irène Némirovsky étaient un moyen de tenir cette gageure ». - Olivier Philipponnat
La Symphonie de Paris
Paris au sortir des années folles. Mario, jeune musicien, « débarque » de sa province. Son objectif, son ambition, composer la symphonie de Paris et devenir le plus grand musicien du monde. Il rencontre Gilda, une artiste peintre de son âge. La vie s’emballe. Ils s’aiment. Ils se marient. Mais l’échec guette, il a pris rendez-vous avec chacun d’eux. Lui au Conservatoire, elle au Salon. Le bonheur a son avers. La misère nourrit leur quotidien. La vie les déchire aussi vite qu’elle les a liés et les enveloppe d’un parfum de déception : «Maintenant, seulement, j’ai compris Paris. Il faut le mériter. Il y faut le travail, la souffrance, l’amour….»
Irène Némirovsky pose en quelques mots, soigneusement choisis, une atmosphère empreinte à la fois de légèreté et de pesanteur. Chacune de ses descriptions répond à un souci du détail. Un vrai « travail d’horloger » qui pose, pièce après pièce, les différents éléments composant le mouvement d’une montre. Avec maîtrise, l’auteure procède par strates successives, dans un style à la fois cru et élégant.
Noël
Noël narre l’histoire d’une jeune femme qui tombe enceinte à l’approche des fêtes de fin d’année. Le drame : le père du Nasciturus n’en a cure et retourne dans son pays, l’Argentine, où il doit y épouser une femme qui l’attend ; une histoire qui n’est pas sans rappeler l’ambiance de la célèbre trilogie de Marcel Pagnol.
La Fumée du Vin
Dans cette histoire, qui a pour arrière-fond la guerre civile finlandaise, Irène Némirovsky joue sur la symbolique des couleurs. Le « rouge », très présent, rappelle indéniablement le « sang » et le « vin », qui coulent à flots dans cette intrigue. Le « blanc », lui, désigne la « neige » et la « paix », souhaité par chacun. Ces deux couleurs constituent une allusion à peine voilée aux forces en présence dans ce conflit : d’un côté, les « Rouges » (sociaux-démocrates), et de l’autre les « Blancs » (conservateurs). La privation, l’abstinence, la mésalliance et les tueries, laissent pour un soir leur rôle principal à l’ivresse. Tout le monde est habité par la même obsession : la passion du vin : « En ce temps-là, en ce temps-là, notre père Noé planta la vigne ! » Que ce soient les enfants, les paysans, les bohémiens, les miliciens, les marins, les femmes et les soldats, tous n’ont qu’une seule idée en tête, ce soir-là, après toutes ces années de suppression : piller et boire comme jamais ! « Frères, buvez ! Vous n’allez pas laisser perdre le bon vin de Dieu. Un vin de princes, qui vaut plus de pièces d’or que vous ne comptez d’années dans votre vie ! »
Si jusque-là, il n’y avait pas de « fumée sans feu », ce texte pourrait être à l’origine d’une nouvelle expression : « il n’y a pas de vin sans fumée » : « Mais la ville entière est en proie au rêve, à la folie. Les ombres déformées par les flammes dansent sur les vieux murs. […] Le brouillard de la nuit, la brume de l’hiver pèsent sur la ville et les vapeurs du vin, au lieu de se dissoudre dans l’air, s’épaississent d’instant en instant. » Quand bien même les fumées de vin se sont dissipées, personne ne pourra oublier le triste bilan de l’émeute…
Restent Le Carnaval de Nice, texte onirique, et Ida ainsi que La Comédie bourgeoise où dans chacune de ces histoires, l’auteure dépeint magnifiquement et ce, avec causticité et sérénité, la condition de vie de la femme.
Valérie DEBIEUX (2012)
(Denoël, juin 2012, 240 pages)
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