
Le titre, un programme à lui seul. Le thème, l’auteur en trace les contours dès les premières lignes :
« Je sais déjà que je vais déranger en me mêlant de ce qui ne me regarde pas. De philosophie et de théologie, par exemple. Pardonnez-moi. Je ne suis qu’un amateur ».
Si le sujet a des allures de sérieux, le ton, par effet contrastant, se fait désinvolte :
« Tant pis si on me cherche des poux : j’ai eu envie de reprendre une conversation avec ma mère dont la mort, il y a longtemps déjà, a brisé le fil ». Et l’ouvrage de commencer par une déclaration péremptoire, une posture théologique, un acte de foi : « Je n’ai jamais eu à chercher Dieu : je vis avec lui. […] Il m’accompagne tout le temps. Même quand je dors. C’est ma mère qui m’a inoculé Dieu. […] Je suis sûr qu’elle avait de l’eau bénite en guise de liquide amniotique. Elle exsudait la foi. […] Je suis né avec la foi, une foi increvable qui a inscrit sur mon visage, entre deux crises de mélancolie, cet air de niaiserie ébahie, que l’on retrouve dans les monastères où la vie semble un sourire inaltérable ».
La foi, certes, mais en qui, en quoi ? Mère catholique et pratique religieuse n’évincent, chez l’auteur, nullement le questionnement. Au contraire. L’interrogation s’inscrit comme la réponse à une nécessité, celle de s’approcher de Dieu. De la Vérité. Alors, un modus operandi simple, mille fois pratiqué, celui consistant à prendre appui sur la réflexion d’autrui. Pour essayer de mieux comprendre, de mieux cerner. Lire, s’ouvrir aux idées d’autrui. Fût-ce pour les critiquer ensuite, les réfuter. Ou alors, les embrasser. En partie, en totalité. Pour faire sourdre de la pensée d’autrui les éléments qui s’inscrivent dans le moule de ses propres idées, croyances ou convenances. Une façon personnelle de pratiquer la maïeutique.
L’auteur fréquente ainsi St Augustin, St François d’Assise, Julien Green, Simone Weil, André Frossard, Descartes, Pascal, Kant et d’autres encore… Les réflexions qu’ils lui inspirent sont de tous ordres. Humoristiques :
« Descartes ou le philosophe qui s’occupe de tout. Il ne pose aucune question, il apporte toutes les réponses. Avec sa haute idée de lui-même, il disait qu’il allait s’ennuyer après sa mort, à regarder le Père éternel pendant dix mille ans. Il ne lui est jamais venu à l’esprit que c’est le Père éternel qui allait s’ennuyer ».
Profondes et graves lorsqu’il évoque l’œuvre de Simone Weil : « Il y a des échos de Maître Eckhart dans l’œuvre de Simone Weil qui flamboie de formules à la lecture desquelles je me sens toujours plus ou moins sale. Des formules qui tournent toujours autour des mêmes questions :
La destruction de soi : […] La nécessité du détachement : […] La vanité de la possession : […] L’accomplissement de la béatitude : […] La grâce par l’humilité : […] ».
Ce livre, un voyage personnel à travers les idées philosophiques et religieuses. Avec des réflexions teintées d’humour, de jugement critique. Portant même sur le végétarisme. Ce livre, une profession de foi également. Non pas avec, pour véhicule, une religion au détriment des autres mais, toutes les religions :
« Même si j’ai choisi Jésus, je défendrai toujours toutes les religions, y compris contre elles-mêmes. Elles sont comme les étoiles qui peuplent la nuit. Elles naissent, grossissent, se mélangent, et puis meurent. Quand elles illuminent le monde, ce n’est jamais pour l’éternité, contrairement à ce que croient les dévots et les cagots, mais toujours d’autres viennent prendre la suite, après leur mort, de sorte que l’espèce humaine ne reste jamais dans l’obscurité ».
Un ouvrage touchant et agréable qu’il fait bon parcourir, que l’on ait la foi ou non.
Valérie DEBIEUX (2013)
(Gallimard, collection folio, août 2013, 208 pages)
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