Benoît Abtey a publié en 2012 chez Flammarion le premier tome d’un roman de cape et d’épée ; « d’Artagnan » reprend vie au travers de la plume de ce jeune auteur. Aujourd’hui, nous avons plus que jamais besoin de cette littérature de rêve et d’imaginaire. (Entretien réalisé en 2012)
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Valérie Debieux : Benoît Abtey, vous venez de publier votre premier roman chez Flammarion, « Dom Juan de Tolède, mousquetaire du Roi » où, cette fois-ci, « notre » ancien mousquetaire « d’Artagnan » n’est pas au service de la « Reine », mais aux côtés du «Diable Rouge», en vue de protéger le futur roi Louis XIV. Pouvez-vous nous parler de cette expérience littéraire ?
Benoît Abtey : Écrire, c’est se battre. Les mots sont des armes. On ne rappelle pas d’Artagnan pour de modestes besognes. Lourde responsabilité pour qui l’emploie. Lui rendre la parole, le ramener sur le théâtre du monde, c’est sans doute réveiller, en ces temps de crise, une certaine flamme que nous avons tous reçue en héritage.
Là où va d’Artagnan, sont l’aventure, la joie, les intrigues, les pièges et les rebonds incessants, autant d’ingrédients que je voulais jeter pêle-mêle au fond de ma casserole. J’aime la cuisine épicée, généreuse, savoureuse… à la française. J’espère maintenant que le plat est à la hauteur des attentes…
Valérie Debieux : « Les gens d’honneur ne sont pas faits pour être riches ». Le ton est donné au début du roman. Selon vous, est-ce que cette pensée est toujours d’actualité ?
Benoît Abtey : Que l’on nous prouve le contraire, je serais curieux de voir la chose… L’argent et le pouvoir sont des maîtres jaloux et tyranniques. Ce que l’on possède nous possède, ce que l’on a peur de perdre, nous perd assurément. L’honneur, c’est l’aristocratie de l’esprit. Or être aristocrate dans l’âme, et non sur le papier, c’est mépriser les séductions de l’or, plutôt que ses semblables, rester digne en toutes circonstances, ne jamais prendre la mort trop au sérieux, et au bout du compte, accorder plus d’importance à la vie de l’autre qu’à la sienne propre.
Valérie Debieux : Planchet, le valet de d’Artagnan, est à la fois un personnage « comique » et un serviteur efficace et intelligent. Un duo crucial. L’un ne va pas sans l’autre. Bourvil et Jean Marais ont, à ce propos, formé un joyeux tandem ; est-ce que des comédiens contemporains vous ont inspiré pour écrire certains de vos passages ?
Benoît Abtey : Planchet, qu’il me le pardonne, n’a au demeurant qu’un tout petit rôle dans ce premier tome. Il aura plus de scènes à son actif par la suite, j’en fais la promesse. Quant à ce qui est des modèles, je reste fidèle à l’esprit d’origine, incarné d’une main de maître par le génie Dumas. Je crois qu’il a donné le ton une bonne fois pour toutes, à nous de ne pas perdre la note.
Valérie Debieux : Il faut une sacrée dose d’imagination pour se lancer dans l’écriture de romans historiques ainsi qu’une longue préparation documentaire. Enfant, étiez-vous fasciné et passionné par les romans d’aventure de Dumas, Verne, Stevenson ou encore Defoe ?
Benoît Abtey : Je le suis toujours. Je les relis régulièrement, avec une admiration qui ne varie pas. Ces inventeurs nous ont légué l’infini. Je crois qu’il serait vain d’aller chercher ailleurs d’autres sources d’inspiration. Lisez Victor Hugo, ce titan, ce Michel-Ange de la littérature, ce n’est que vie, vérité et mouvement… c’est le Verbe et l’image, du cinéma avant l’heure, et quel cinéma !
Valérie Debieux : Souvent, c’est la littérature qui inspire le cinéma ; à l’inverse, est-ce que les divers films de cape et d’épée existants ont été une source d’inspiration pour vous ?
Benoît Abtey : À tout dire, j’écris ces romans (les secrets de d’Artagnan) pour faire exister ces films que j’aurais aimé voir. Aujourd’hui, je suis très attiré pour toutes ces séries de fiction-historique venues des États-Unis ou d’Angleterre. Rome, les Tudors, voilà mes références… Rien ne vient de rien. Ces séries télévisées sont d’ailleurs la parfaite résurrection du roman feuilleton que j’affectionne tant.
Des histoires amples, complexes… où l’imagination (cette intuition qui devine la vérité) se mêle étroitement à la réalité, voilà l’idéal… le passionnant sujet, l’inépuisable source.
Valérie Debieux : La vocation du grand écran n’est pas de concurrencer le roman sur son domaine, celui de la narration, mais bien d’inventer des formes plastiques et «monstratives» ; celles-ci offrent une nouvelle pertinence au texte littéraire sans forcément s’en éloigner. En tant que scénariste, avez-vous envie d’œuvrer à la transformation filmique de votre ouvrage ?
Benoît Abtey : Je ne songe qu’à ça. Et vous verrez que l’adaptation viendra bientôt. C’est écrit…
Valérie Debieux : Bien entendu, il ne faut pas forcément suivre des cours d’escrime pour écrire un roman de cape et d’épée ; cela étant, est-ce que ce sport vous intéresse ?
Benoît Abtey : J’ai pratiqué l’escrime ancienne, comme j’ai pris des cours de théâtre avec Jean-Laurent Cochet, notre dernier grand maître. L’escrime pour la technique et la sympathie avec ces duellistes d’autrefois, et le théâtre, parce qu’écrire, c’est faire parler les hommes.
L’escrime ancienne, il faut le savoir, est non seulement une science, mais encore un art. Il faudra bien que l’on nous montre un jour à l’écran cette incroyable danse, brève, sèche, souple et violente comme savaient la pratiquer ces tireurs d’armes dont la vie ne tenait qu’à un fil. Un fil d’acier.
Valérie Debieux : Pensez-vous que Mazarin a été jugé de façon correcte par l’Histoire ?
Benoît Abtey : Mal jugé. L’histoire est toujours écrite par les vainqueurs, or les vainqueurs, encore une fois, ont pour eux l’or et le pouvoir. Avec l’or, on achète l’opinion, avec le pouvoir, on impose sa vérité… aux contemporains comme à la postérité. Du moins, jusqu’à ce que la lumière se fasse, et la lumière finit toujours par se faire, c’est la loi de ce monde.
Mazarin hérita non seulement de tous les préjugés du temps, mais encore de la haine que l’on vouait à son prédécesseur Richelieu. La grande noblesse, orgueilleuse, vaniteuse, conspiratrice, voulait sa tête. Elle insultait ses origines pour le tourner en dérision. La méthode reste d’actualité, je la déplore. Survivre quand tant d’ennemis se liguent autour de vous, devient un effort quotidien, on y laisse sa santé, puis sa vie. Richelieu usa de la force, Mazarin utilisa la ruse. À l’issue d’une lutte incessante, tous deux parvinrent à accomplir leurs tâches respectives, et partirent de bonne heure.
Valérie Debieux : En vous baladant à « Palais-Royal », avez-vous parfois le sentiment que son fantôme s’y promène encore tant il a imprégné ces lieux ?
Benoît Abtey : … comme un assassin sur les lieux du crime, diraient ses détracteurs… Certes, quand les lieux ont une histoire, la pierre, moins insensible qu’on le croit, en garde la mémoire… Mais je crois, encore une fois, que Mazarin ayant accompli cette tâche qui devait être la sienne, s’en est allé en paix, vers d’autres royaumes.
Valérie Debieux : Je vous laisse le dernier mot…
Benoît Abtey : Le dernier mot… ce n’est pas pour tout de suite. J’ai également un objectif, et j’espère ne pouvoir l’écrire que quand il sera atteint, avec le mot fin.
Jusque-là, je ne peux dire qu’une chose, en guise de conclusion : suite au prochain épisode…
Entretien mené en 2012 par Valérie DEBIEUX
Photo: © D.R.
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